Pour mes cours de luxo à l’INL, j’ai préparé un exposé en 2019 sur la situation linguistique en Moselle [lb]. Comme le sujet m’avait bien plu, j’essaie de vous en faire une petite synthèse ici.
Avertissement: je ne suis pas linguiste, ni un spécialiste de la question, j’ai fait quelques recherches sur le Web sur le sujet, mais je trouve ce sujet vraiment passionnant. Je m’excuse par avance pour les références qui ne sont pas hyper précises, je n’ai pas retrouvé les sources de toutes les infos mentionnées ici.
Le francique lorrain
Le département de la Moselle est un département très riche au niveau linguistique. Il est globalement traversé par une “frontière linguistique” du Nord-Ouest au Sud-Est qui sépare au sud un dialecte Roman (i.e. francophone) avec au nord de cette frontière 4 dialectes germaniques : le francique luxembourgeois, le francique mosellan, le francique rhénan et l’Alsacien (bas-alémanique).
Je vous remets ici une petite carte qui vient de l’article “lorraine germanophone” chez Wikipedia:
On va surtout s’intéresser dans cet article au “platt” lorrain, ou francique lorrain c’est à dire aux patois germaniques de ce département. Si vous voulez écouter un peu de francique luxembourgeois, j’ai retrouvé une petite vidéo d’RTL Luxembourg qui date de 2011 et pour le francique rhénan, il y a l’émission Platt Bande sur Tele Mosaïk (la télé locale de Sarreguemines), et en voici un épisode.
Il y a globalement dans cette région de l’Europe ce qu’on appelle un continuum linguistique, une sorte de gradient de langues, qui va de l’Allemand au Néerlandais en passant par l’Alsacien, le Luxembourgeois et le Francique. Ces différentes langues sont séparées par des isoglosses, des lignes définissant une différence caractéristique entre deux langues voisines pour un même mot.
Voici le continuum linguistique qui nous intéresse ici (on se rend compte que ces dialectes couvrent un territoire beaucoup plus large que la moitié du département de la Moselle, source: Wikipedia)
Un exemple d’isoglosse est par exemple le passage du “das” en Allemand au “dat” en luxembourgeois pour l’article défini neutre (qui sépare aussi le francique rhénan du francique mosellan), ou encore l’isoglosse “op/of” (“sur” en français, “auf” en allemand) entre le francique mosellan et le luxembourgeois. Nos 3 variantes du francique sont séparées par ces isoglosses.
français | francique luxembourgeois | francique mosellan | francique rhénan |
---|---|---|---|
femme | Fra | Froi | Frau |
gens | Leit | Léit | Litt |
vin blanc | Wäisswäin | Wéisswéin | Wisswinn |
avoir | hunn | hann | hònn ou hann |
être | sinn | sénn | sìnn |
parler | schwätzen | schwätzen | redden |
On notera tout de même quelques différences entre le luxembourgeois “standard” et le francique luxembourgeois, notamment une règle du N différente de l’originale et pratiquée dans des villages au Sud et à l’Ouest de Thionville. A priori ces dialectes sont de moins en moins pratiqués. Je n’ai pas trouvé de statistique récente, mais on peut se faire une idée générale de cette tendance via des statistiques un peu plus anciennes entre 1960 et 2000 (source: Wikipedia)
La variante du francique qui a l’air de survivre le mieux semble être le francique rhénan. D’après ce que j’ai pu lire, il y a de nombreux facteurs qui conduisent à la survie ou à l’extinction d’une langue, comme par exemple l’enseignement de la langue, l’existence de médias dans cette langue, l’image ou le déficit d’image au sein de la population. Après la 2e guerre mondiale, l’allemand n’avait pas trop la cote dans la région et le français avait une meilleure image que le patois local. La presse écrite y était encore réalisée en allemand, via le fameux “France-Journal”, l’édition du Républicain lorrain en allemand “standard”, qui a cessé de paraître dans les années 80.
Il y a eu bien entendu toute une série d’initiatives pour protéger le francique via des associations comme “Wéi laang nach?” (qui sont aussi actifs sur leur page “Fratzbuch”) ou “Gau un Griis”. Le francique bénéficie d’une orthographie officielle depuis 2004: Charte de la graphie harmonisée des parlers franciques -Platt- de la Moselle germanophone. Si l’Éducation Nationale a mis apparemment du temps avant de comprendre que le francique était une langue différente de l’allemand, le francique est enseigné au lycée via les cours de LCR “langue et culture régionale”. Actuellement l’enseignement de LCR est disponible dans 9 lycées en Moselle et seulement un collège enseigne le luxembourgeois, celui de Sierck-les-Bains. La construction d’un collège franco-luxembourgeois sur le site de Micheville (près d’Esch-sur-Alzette) serait à l’étude au niveau du département de la Moselle.
Toponymie
Un autre élément que je trouve intéressant sur ce sujet est celui de la toponymie, globalement l’origine des noms de lieux dans la région. Certains noms de lieux, villages, villes ont gardé leur origine bien visible, d’autres ont été adaptés en fonction de l’envahisseur du moment du pays auquel la région était rattachée. Si on prend l’exemple de l’ancienne commune de Basse-Yutz, celle-ci s’est appelée Nieder-Jeutz en Allemand et Nidder-Jäiz en francique. On retrouve les traductions de certaines communes en francique sur les panneaux d’entrée de ville près de la frontière luxembourgeoise. Par exemple “Hettange-Grande” se traduit “Grouss-Hettengen” en francique.
J’ai même habité pendant mon enfance dans un coin qui était surnommé le “Kittsack”, le cul-de-sac en francique (car desservi par une seule route).
On retrouve aussi certains motifs dans les noms de communes dans la région, comme par exemple les communes qui se terminent avec le suffixe “-ange”. Ce suffixe a différentes variantes “-ing”, “-ingen”, “-éng”, “-éngen” et signifierait “domaine”. “Ing” serait le diminutif de “Ingebäude” une construction à l’intérieure d’une enceinte. J’avais trouvé une très chouette carte d’Europe montrant la répartition géographique de toutes les localités ayant un nom se terminant de la sorte, mais je ne la retrouve malheureusement plus. On voyait clairement que leur distribution se fait au delà des frontières, en Moselle mais aussi au Luxembourg, en Allemagne, en Belgique, en tout cas dans une bonne partie de la zone où le francique est ou a été pratiqué. Dans les toponymies amusantes, on retrouve aussi Thionville, littéralement la cour (de ferme) teutonne, Audun-le-Tiche et Audun-le-Roman de chaque côté de la frontière linguistique, ou encore dans les cours d’eau, la Nied française et la Nied allemande pour les mêmes raisons.
Le francique n’est pas mort !
Le francique est encore un peu pratiqué dans le département de la Moselle, mais surtout le français local est largement influencé par ses voisins luxembourgeois et allemands ainsi que par le patois roman aujourd’hui disparu. Si en luxembourgeois on rencontre de nombreux verbes qui viennent du français et qui ont récupéré la terminaison en “-en” à l’infinitif, par exemple : inviter devient invitéieren, l’inverse est vrai aussi, on trouve des verbes d’origine germanique qui sont d’usage courant en Moselle, par exemple rutschen (glisser) devient routscher. Au niveau syntaxique, cette influence se fait aussi sentir, comme le montre l’exemple suivant. Les expressions en français mosellan semblent être une traduction littérale du luxembourgeois. On peut sûrement parler ici de contact des langues, mais probablement pas de créolisation vu qu’il ne s’agit pas d’une nouvelle langue à part entière1
Luxembourgeois | français mosellan | français standard |
---|---|---|
De Gérard | Le Gérard | Gérard |
Maach d’Luucht aus | Ferme la lumière | Éteins la lumière |
Kënns de mat? | tu viens avec? | Tu viens avec moi? |
Ech hunn de Kapp wéi | J’ai mal la tête | J’ai mal à la tête |
Pour aller un peu plus loin, on s’est posé la question avec mes parents du vocabulaire d’origine germanique qu’on utilise ou qu’on est capable de comprendre lorsqu’intégré dans une conversation en français. On vous a pondu une petite liste de mots et d’expressions et j’ai essayé de retrouver l’équivalent en luxembourgeois lorsque c’était possible. On remarque que certains emprunts viennent directement de l’allemand, sans passer par le luxembourgeois ; il faudrait certainement creuser un peu plus pour différencier les emprunts au luxembourgeois de ceux à l’allemand. Le niveau de langue est souvent familier. C’est bien entendu à prendre avec des pincettes, nous ne sommes pas des pros :)
français mosellan | Français | Luxembourgeois |
---|---|---|
altmodisch | vieux jeu | almoudesch |
Babbel (la) | la pipelette | Babbel |
Boulibatsch (la) | la boue | Bulli |
Bux (la) | culotte, pantalon | Box |
ça get’s? ça get’s mol? | ça va? | wéi geet et? |
ça tire | il fait froid / courant d’air | et zitt |
Dabo | abruti | Dabo |
entre-midi | Entre 12h et 14h, traduction littérale du francique “zwéschen métdach” | Mëtteg |
faire bleu / bleuter | être absent | |
Foehn (le) | le sèche-cheveux | Fön |
Foutsch / Foutschi (faire) | perdre | |
Fratz (la) | le visage | |
Geiss (la) | la chèvre | Geess |
Gummi (le) | le caoutchouc | Gummi |
Guns (la) | l’oie | Gäns |
Halt! | Arrête! | Hal op! |
Hanswurst | clown, guignol | |
Hex (la) | la sorcière (souvent imagé et péjoratif) | Hex |
Kaffeeklatsch (le) | réunion café-gâteaux des commères | |
Kaffi (le) | café | Kaffi |
Kaputt | cassé | futti |
Katz (le) | le chat | Kaz |
kipper | basculer | kippen |
Klatz (le) | le chauve, la calvitie | Klatz (la boule) |
Knall (avoir un) | avoir un grain | |
knatsch | mou | knätscheg |
Komm | viens | komm |
kotzer | vomir / tousser | katzen |
kouatscher | bavarder | quatschen |
Kwatsch! | n’importe quoi! | Quatsch! |
Lutsch (la) | la sucette / tétine | Lutsch |
Monni (le) | l’oncle | Monni |
Non di Katz normol | Non d’un chat | Nondikass |
Oma (la) | la grand-mère | Bomi |
Opa (le) | le grand-père | Bopi |
quatscheraille (la) | des bêtises | |
Quetsche (la) | fruit, insulte | Quetsch |
Raoudi (le) | le garnement | Raudi |
ratscher | rapporter / dénoncer | |
Ratz (le) | un jeune | Rotzbouf |
Raus! | sors! | Eraus |
routscher | glisser | rutschen |
Schlag (une) | une baffe | Schlag |
schlaguer | poser violemment | |
Schlappe (la) | la pantoufle | Schlapp |
schlass | mou, fatigué | midd |
Schluck (tu bois un schluck) | la gorgée | Schlupp |
Schmecker (ça schmeckt gut) | avoir bon goût / sentir | schmaachen |
Schmer (fumer une) | les cigarettes | Zigarette |
schmirer | barbouiller | (Schmier) |
Schmireraï | le barbouillage | |
Schnabbel (la) | le clapet / la pipelette | Schnabbel |
schnaïller | couper | schneiden |
Schnaps | alcool fort | Schnapps |
Schneck (le) | l’escargot | Schleeck |
Schnell | vite! | Séier |
Schness | la gueule | Schnëss |
Schnitz (le) | le couteau | |
Schnouffe (avoir la) | (avoir la) goutte au nez | Schnoffelen |
Schnudel (la) | la morve | Schnuddel |
schön (regarde comme c’est schön!) | beau | schéin |
Schpatz (le) | le moineau | Spatz |
Schrecklich | terrible | Schrécklech |
Schrott (la) | ferraille | Schrott |
schroupper (je schrouppe) | passer le balais brosse | schruppen |
schtarff | baraqué | |
Schtiff (le) | le stagiaire / l’assistant? | |
Schtrack | en état d’ivresse | |
Schtroubeldich | décoiffé? (de Strubel dich, taquiner) | |
Schutt (le) | la décharge | |
Schwartz (travailler au) | travailler au noir | Schwaarz |
Schweinerei | cochonnerie | Schwengerei |
Speck (le) | le lard, le gras | Speck |
Spitzbub (le) | enfant malicieux | Spëtzbouf |
Spritz (des) | petits gâteaux traditionnels | |
spritzer | pulvériser | sprëtzen |
Spull (la) | l’éponge pour faire la vaisselle | |
Stempel (le) | le tampon | Stempel |
Stengel (le) | un bâton | Bengel |
Stinker (ça stink) | puer | sténken |
Stuck (le) | un morceau | Stéck |
Tommel (avoir le) | un coup de folie, le vertige | Tommel (aner Meenung?) |
Train huit | le grand huit | Achterbunn |
Trinkgelt | le pourboire | Drénkgeld |
Tschüss | salut, ciao | Äddi |
Weck! | dégage! | |
wecker | évacuer | |
Werschtatt | atelier | |
Witz (la) | la blague | Witz |
Wurscht (la) | la saucisse | Wurscht |
Un vocabulaire d’une centaine de mots, ce n’est pas beaucoup mais ça constitue une forme de “vestige” linguistique.
Voici un petit exemple d’emploi de ce genre de mots dans un texte en français, issu du “Guide de conversation du platt lorrain de poche” de chez Assimil :
“Le boumleur était chtrak, tellement il avait bu de chloucs de schnaps. Ce jour-là, il avait beaucoup plu, […] ça chpritzait de partout. Quand le boumleur s’est levé, il a routché et il est tombé dans la boulibatch. Après il chmaquait pas bon, […] il faisait une drôle de chnesse. Il avait une beuille sur le front, un vrai knall. Comme je revenais de chez le boulanger, où j’avais acheté une paire de chnèques et un pain pour mon frichtique, je lui en ai donné un chtuque. Il m’a remercié, a chnoupfé un peu et m’a demandé si je n’avais pas encore un peu de tringuelt pour lui ou un coup de chnique. Je lui ai dit que là, il faisait tout foutche et qu’il ferait mieux d’aller au chlof. […]”
Bouquins
J’ai trouvé le bouquin de Daniel Laumesfeld “La Lorraine francique, culture mosaïque et dissidence linguistique” super intéressant. Il a été écrit dans les années 70-80 et ne cache pas son militantisme pour la sauvegarde de la langue francique et de sa culture tout en étant résolument progressiste et en ayant une position anti-nationaliste (apparemment il y a pu y avoir dans les années 70s des mouvements pour le rattachement de Thionville et de ses environs au Luxembourg, ce qui maintenant peut faire sourire).
Je me souviens d’une anecdote qui m’a marqué : le francique était la langue parlée au fond des mines de Moselle, quelle que soit l’origine des gens qui y travaillaient.
Daniel Laumesfeld a aussi écrit de la poésie en francique. Celle-ci semble écrite via l’orthographe luxembourgeoise de 1976. En voici un exemple:
Bauernklage
O ech aarme lotrénger Hond
Ënnen am laach, am déischt’re Grond
Hun ech geschaft mat schwees a Plo,
An Emmer ouni Streid a Klo
Zwanzeg Joer laang op d’Karlzütt gaang,
Haut sin ech midd, d’Zâit as vergaang,
D’Karlzütt as doud, d’Broscht deet mir wéi,
Haut hun ech guer keng Aarbecht méi.
O ech aarme lotrénger Hond
Se wëssen all, ech hale mäi Mond
Mä d’Atoomzentral mir net gefällt
Eis Kanner brauchen eng aner Welt.
— Daniel Laumesfeld
in “Récits, chansons et poèmes franciques”, L’Harmattan, 2005.
Pour les luxembourgeophones, le poème est inspiré d’une chanson traditionnelle “O, Ich armer Lothringer Bur” et la “Karlzütt” est l’ancien haut-fourneau de Thionville.
En conclusion
Personnellement, je ne me rappelle pas avoir fréquenté de personne parlant le platt (j’ai peut-être croisé des personnes âgées dans le voisinage ou les parents d’amis qui habitaient la région de Sierck). Je ne suis pas nostalgique d’une époque que je n’ai pas connu. Je constate juste que les langues ne sont pas figées et que dans les zones frontalières leurs évolutions sont sympathiques à observer.
Quand en France on parle de langue régionale, on pense surtout au Breton, au Corse, à l’Alsacien, alors qu’il y en a plein d’autres avec tout un patrimoine à préserver. Dans la région, l’essor de la langue luxembourgeoise peut donner envie de comprendre ce qui s’est passé de l’autre côté de la frontière.
- ^ la référence était là juste pour caler le mot créolisation que je trouve assez cool :)
Time for a refresh!
It has been a while since I last changed the theme of this blog! Seems that with all the time spent at home in the last three months, I had some new blog posts ideas, but blogging on the old boring theme was not so motivating. So I made a this one by combining some open source libs.
The main idea here is to mimic an annotated article done with LaTeX0. I reused several open source components:
- LaTeX.css: the main style of this theme
- Rough Notation: this library is providing all the annotations: underline, highlight, circle, etc.
- Littlefoot: A library to provide nice footnotes
- Scampi: I only used the skip-links module of this library.
Moreover, I wanted to have a more personal touch, so I created my own font based on my not so beautiful handwriting (I am a lefty, eh.) To do so, I used Calligraphr, combined with Procreate on an iPad with an Apple Pencil. The result is not 100% accurate, since the font is still missing lots of ligatures, but I find it good enough for the effort. What do you think?
I mapped some annotations provided by Rough Notation to html5 elements, for example:
mark
s
(strikethrough)strong
-
blockquote
for long quotes with lost of stuff to say, not like here for example.
I wanted to be able to annotate articles with some side notes1. These notes are okay on desktop when there is space in the side margins, but on mobile we don’t have this space. I discovered the bigfoot library2, which creates “pop over” notes, but this library did not seem to be maintained since 4 years and it was still depending on jQuery. I thus found an alternative in the littlefoot library, which is still maintained and does not depend on jQuery. I may add at a later stage the side notes feature on desktop. I still have some stuff to fix here and there in this theme, but globally this is it!
Yet Another Minitel Project
Il y a 4 ans, j’ai acheté un Minitel 2 sur eBay et il est resté très longtemps dans son carton. L’idée était de le connecter à un Raspberry Pi pour en faire un petit terminal.
Le projet peut être fun, cela permet de découvrir ou de redécouvrir certains outils en ligne de commande et en même temps de faire un peu d’électronique basique.
En théorie, ce type de projet se réalise assez rapidement avec le bon matériel.
Le Minitel est mort, vive le Minitel !
Pour ceux qui ne le connaissent pas, le Minitel était un terminal utilisé en France dans les années 80 et 90 pour se connecter aux services Télétel.
Si je ne me trompe pas, les services Télétel classiques (3611, 3615, etc.) ont été stoppés en 2012. Rien n’empêche tout un chacun de maintenir un serveur Minitel sur un numéro de téléphone dédié [1]. C’est d’ailleurs le cas d’une poignée de services toujours en activité, maintenu par une bande de passionnés. On peut retrouver cette dizaine de services sur le site du musée du Minitel. Vous pouvez même y essayer ces services via un émulateur en html5. Minitel.us est une alternative au musée du Minitel présentant tout un tas de ressources sur le sujet.
Faire revivre un Minitel, un projet fun !
Comme pour tout projet, on peut toujours se demander quels sont les buts d’un tel projet. J’ai personnellement l’impression que c’est un classique. C’est sensé être facile à réaliser, cela ne demande pas beaucoup de compétences en électronique, pour un résultat relativement rapide. Pour ma part, cela a pris plus de temps que prévu pour plein de bonnes raisons (priorité à d’autres side projects, déménagement et autres bonnes raisons :)) mais aussi car je n’ai pas pris le temps de bien me renseigner sur la partie électronique.
La partie “électronique”
Le Minitel dispose d’une interface série TTL 5v via une prise DIN 5 broches. J’ai tout d’abord cru qu’il s’agissait d’une interface supportant la norme RS-232 (ce n’est pas le cas), puis j’ai suivi bêtement un montage proposé sur un post de blog trouvé sur le net avec un transistor et quelques résistances pour se connecter à un adaptateur USB-série TTL. Ce deuxième essai a été tout aussi infructueux que le premier. J’ai donc allumé quelques neurones et relu la doc du Minitel et de mon adaptateur USB-série (basé sur la puce PL2303). Ce dernier supportant des entrées / sorties en 5v, pas besoin d’une quelconque adaptation des niveaux, j’ai donc connecté directement l’adaptateur au cable relié à la prise DIN et ça marche (globalement l’approche détaillée dans cet article). Il y a peut-être une meilleure solution, genre utiliser l’UART du Raspberry pour éviter d’utiliser un port USB inutilement, mais celle-ci me suffit amplement pour l’instant.
Configuration du Minitel
Le Minitel n’affiche pas par défaut ce qui se passe sur sa connexion série. Il faut faire une série de combinaisons de touches pour l’activer. Je la reprécise ici pour mémoire, pour mon modèle de Minitel, le Minitel 2:
- Sortie du répertoire: Fnct + Sommaire
- Passage en mode périphérique: Fnct + T puis A
- Désactivation de l’écho du terminal: Fnct + T puis E
- Connexion 9600 bauds: Fnct + P puis 9 (on peut aussi activer des connexions plus lentes pour plus de réalisme avec Fnct + P puis 1 pour 1200 bauds ou Fnct+P puis 4 pour 4800 bauds)
Configuration côté Linux
En terme de configuration, on trouve de tout dans les nombreux articles sur le sujet. Je suis allé au plus simple car je me moque de savoir si le prompt de l’écran de login s’affiche correctement ou non, une fois loggué, cela n’a plus d’importance.
Ayant installé une Raspbian Buster, basée sur Debian 10, la configuration s’appuie sur systemd. Au démarrage du Pi, on souhaite donc configurer le port série puis lancer un getty sur le périphérique associé, pour pouvoir accéder à la console depuis le Minitel. On trouve de bonnes instructions pour réaliser cette étape dans cet article: Un minitel comme terminal linux USB. Partie 3 : Et avec systemd ?
J’ai effectué deux modifications mineures à ce fichier:
- le Minitel 2 supporte une communication à 9600 bauds au lieu de 4800
- j’ai sélectionné le fichier terminfo correspondant à ma variante de Minitel, à savoir minitel-2 et non minitel1b-80
Tout terminal a besoin d’un fichier terminfo pour pouvoir fonctionner correctement. Ces fichiers de config sont présents pour plusieurs variantes courantes de Minitel dans la base terminfo des distributions linux récentes. Il n’y a donc pas besoin de télécharger des fichiers terminfo sur le net comme vous pourriez le lire dans certains articles.
Pour trouver le fichier terminfo correspondant à votre minitel, vous pouvez exécuter cette commande:
find /usr/share/terminfo -name *minitel*
Une fois le service configuré, vous pouvez redémarrer le Pi et tenter de vous logguer sur le Minitel, après l’exécution des 4 combinaisons de touches magiques.
J’ai trouvé dans l’article “Utiliser un Minitel avec un Raspberry” deux idées sympa:
- le Minitel supporte les caractères ASCII 7bit plus quelques caractères accentués via des séquences d’échappement. On définit la variable LC_ALL à C dans son .bashrc pour éviter certains problèmes liés à l’encodage des caractères, par exemple pour ceux parmi vous qui aiment avoir leurs messages d’erreurs en français… Chez moi, ça se résume à:
if [ "$TERM" = "minitel-2" ]; then export LC_ALL=C; fi
- Les touches de fonction du Minitel telles que Sommaire, Guide, Annulation, … ne sont pas actives par défaut. Il est possible de les mapper à des fonctions du terminal via un fichier .inputrc à placer dans son home directory. Un exemple est donné dans l’article précité.
Linux: quelques exemples d’utilisation
Toute cette partie n’est pas spécifique au Minitel. Vous pouvez vous amuser dans un terminal sur votre ordinateur, ça fonctionne aussi. Je vous ai listé ici quelques outils qui vont fonctionner avec les limitations du Minitel 2 ou de ma config:
- faible taux de rafraichissement
- Monochrome
- pas de caractères accentués (faudrait sûrement que je creuse pour celle-là)
Afficher du texte en ASCII-Art
L’outil classique pour cela est figlet. Si votre Minitel supporte l’affichage en couleurs, vous pouvez utiliser l’outil “toilet” à la place.
figlet "ca marche!"
Afficher une image en ASCII-Art
Avec l’outil fim, il est possible d’afficher une image en ASCII-Art. Pour cela, on peut utiliser la commande suivante:
fim --output-device=aa trollface.jpg
Starwars Ep. 4 en ASCII-Art
Je ne suis pas un grand fan des guerres de l’étoile, mais je suis impressionné par le boulot qu’a dû être la création de cette longue animation en ASCII-Art:
telnet towel.blinkenlights.nl
Un petit extrait de cette animation dans ce twitt: “biou sur Twitter: 20th Century Text”
Visualiser une vidéo youtube en ASCII-Art
Il faut tout d’abord télécharger la vidéo Youtube de votre choix avec youtube-dl. Cette vidéo sera ensuite lue avec mplayer. J’ai fait quelques essais et eu le meilleur rendu avec ces options:
mplayer --reallt-quiet -vo aa -monitoraspect 0.5 -nosub -noautosub -framedrop -contrast 25 rick.mkv
Si votre Minitel est couleur, vous pouvez aussi obtenir un rendu en couleurs en remplaçant l’option -vo aa par -vo caca (ça utilise la libcaca).
La sortie son du Raspberry Pi peut être utilisée pour avoir du son. Mon Raspberry Pi 1 n’était malheureusement pas assez puissant pour décoder la vidéo sans que le son ne coupe.
Les démomakers ne sont pas en reste
J’ai trouvé la démo BB assez sympa. Ça fonctionnait à peu prês sur le minitel, bien qu’un peu lent. Elle est dispo dans les packages Debian.
Les classiques
On peut toujours gérer ses fichiers via une interface semi-graphique via Midnight Commander, se connecter à IRC via irssi, naviguer sur le Web via lynx, …

Coder une petite application dans le style Minitel
Ok, tout cela est bien beau, mais cet affichage 80 colonnes ne ressemble pas trop à ce que l’on avait l’habitude de voir sur Minitel dans les années 80 et 90s. Par défaut le Minitel est capable d’afficher des informations respectant le standard Videotex. Pour réaliser une petite démo, je me suis appuyé sur la librairie PyMinitel de Frédéric Bisson. (Ce monsieur a d’ailleurs fait une très chouette présentation sur le sujet au FOSDEM2020: “Reviving Minitel: How web technologies make it easy to emulate Minitel”) Il s’agit d’un client xml-rpc pour Dotclear, qui permet de se logguer et d’y créer un billet.
Et la démo est là:
Le code source est disponible dans ce repository github: dcMinitel.
-
ce qu’on appelait à l’époque les serveurs RTC il me semble↩
Créez des jeux vidéo ! Ça ne sert à rien mais ça fait du bien
Depuis bientôt 2 ans, je baigne un peu dans le milieu du jeu vidéo (JV) indépendant et c’est assez sympa. Dans les faits, je participe surtout à des game jams (j’en ai maintenant 3 au compteur) et plusieurs de mes amis viennent de démarrer leur activité d’intermittent du jeu vidéo, comme Noliv chez “les Bubars” et Mr Helmut, chez “Flying Oak Games”.
Pour ce qui est des game jams, je vous invite à jeter un oeil à nos précédents compte-rendus, là et là. Je fais aussi partie de l’asso qui les organise, habilement nommée COIN pour Comité d’Organisation des Interactivités Numériques. Le COIN est un repère de codeurs et de (graphic|sound|game)-designers dont le but dans la vie est de produire du beau et du fun pour égayer un peu vos journées.
Mais revenons à nos moutons électriques. Globalement j’essaie d’expérimenter le plus possible en faisant des petits protos dans mon coin, la plupart ne verront certainement jamais le jour en tant que produits finis, mais ils me permettent de progresser dans la découverte de cet univers.
Comment fait-on pour en arriver à développer des jeux vidéo ?
Je pourrais vous parler de la sous-culture des jeux vidéo, de son impact sur les 30 dernières années sur le grand public. Je pourrais aussi disserter sur l’essor des plateformes mobiles depuis quelques années et notamment des stores qui permettent aux développeurs de jeux vidéo indépendants de se faire connaître et même parfois de vivre de leur art.
Je vais plutôt vous détailler la petite histoire de ces indépendants dont je suis proche (plusieurs d’entre eux ont fait partie de mon équipe lors d’une Game Jam) :
- Il y a quelques années j’avais un nouveau collègue passionné de jeux vidéo, MrHelmut, le genre de passionné incollable tant au niveau des jeux eux-mêmes que de leur conception. Vous savez, le petit gars qui code un émulateur GameBoy juste pour sa culture personelle et pour le défi intellectuel. Eh bien ce monsieur s’est mis en tête il y a deux ans d’organiser une Global Game Jam près de chez nous afin de rencontrer la communauté des créateurs de JV locale et de stimuler leur créativité. Cette première Game Jam a été un déclic pour beaucoup de monde. En 48h on peut avoir un proto de jeu indie potable ! Tout ceci ayant plu à pas mal de monde, on s’est dit qu’il fallait une asso pour organiser tout cela proprement, c’est ainsi qu’est née l’asso COIN. On a depuis organisé plusieurs événement, notamment la GGJ’13 et la Barbecue Game Jam en août 2013. Depuis la première Global Game Jam dans l’Est de la France, notre ami Helmut s’est jeté à l’eau, il a lui aussi monté son studio de JV, Flying Oak, le studio qui envoie du bois.
- En parallèle, une personne de grande taille, surnommée Noliv, avait décidé de changer de vie : finies les tâches chiantes et répétitives, finis les environnements de boulot kafkaïens, finie la réunionite aïgue, finie la pression pour des objectifs qui ne lui parlent pas. Il laisse tout cela de côté et se dit qu’il doit prendre son temps pour partir sur de nouvelles bases. Tout d’abord il voulait réaliser des applications sérieuses sur iOS, sa plateforme préférée, histoire de produire des logiciels utiles et bien ficelés. Puis vint la galette des rois (on parle souvent d’épiphanie dans le jargon de la créativité) lorsqu’il découvrît lors d’une Game Jam que la création de jeux vidéo était à sa portée et bien plus motivante que de reproduire d’anciens schémas en tant qu’indépendant. Il a alors créé “les Bubars” et c’est bien connu, chez les Bubars on n’a pas de rasoir mais on a des idées. Pour Mathieu, ça a été un scénario quasi identique, après plusieurs années dans des SSII au Luxembourg, il plaque tout pour s’inscrire dans une école de game design à Lyon.
- AllYouNeedIsGNU est un brillant développeur Web que je connais depuis plusieurs années. Un de ses loisirs actuels est de créer des jeux en 3d avec des technos Web comme WebGL. Le résultat est carrément Impressionnant.
- Nico Parco est un musicien touche à tout super calé et chef de projet informatique dans la vraie vie. Pour vous dire comme il est calé, il a récemment signé la BO d’un film !
- Alchymi, le sage, graphiste reconverti dans le JV, vit de son art depuis des années chez Studio3WG. Il sait ce qui marche et ce qui ne marche pas, d’instinct. C’est aussi un gars super productif, capable de sortir un nouveau jeu toutes les 10 minutes.
- Les petits gars de chez CodeAndGame font un super boulot de vulgarisation auprès des ados en leur proposant de découvrir la création de JV à travers des ateliers pratiques.
- Game Side Story, le site de news sur les JV indépendants qui fait la couverture de toutes nos Game Jams et nous aide aussi à peaufiner nos concepts. Leurs articles sont vraiment intéressants et pour ceux qui s’intéressent à ce domaine, ça permet d’avoir un bon aperçu de ce qui se fait ailleurs.
J’espère que je n’ai oublié personne ! Globalement on peut dire que tout est histoire de contexte et d’expérience : le contexte avec des gens qui s’intéressent à un domaine comme la conception de JV et l’expérience des Game Jams, pendant lesquelles on perçoit directement le potentiel mais aussi toutes les difficultés de ce métier.
Quelles compétences faut-il pour créer des jeux vidéo?
Tout dépend du profil que l’on veut adopter. D’après mon expérience limitée aux Games Jams, dans une équipe de création de JV on retrouve de base :
- des game designers, qui vont définir les règles du jeu et donc ce qui va être amusant et potentiellement addictif
- des graphistes, qui vont gérer la couche graphique (sprites, décors, menus, etc.)
- des sound designers, qui vont créer les effets sonores et la bande son
- des développeurs, qui codent le jeu et intègrent les contributions des autres profils.
Bien entendu dans des équipes de moins de 4 personnes, certaines personnes sont amenées à gérer plusieurs profils de compétences (on rencontre beaucoup de bricoleurs et de touche à tout pendant les game jams). Il est par exemple assez difficile de trouver des musiciens qui sont intéressés par la création de JV et qui ont le niveau nécessaire pour composer une musique accompagnant un jeu (on a eu de la chance pendant nos game jams, on en a eu à chaque fois mais on était quasi la seule équipe)
Quand on travaille dans la conception d’interfaces ou dans le Web, on est habitués aux équipes pluridisciplinaires. Il est donc assez facile de retrouver ses marques et de collaborer avec les graphistes et sound designers. Pour les développeurs, mieux vaut maîtriser une techno et être un peu ouvert (sur iOS, j’ai par exemple testé Cocos2D et je me mets tout doucement à SpriteKit)
De ce que j’en sais, chez “Flying Oak”, ils sont deux, un développeur et un graphiste et ils externalisent la partie son. Chez “les Bubars”, la configuration est un peu différente, sachant que Noliv fait tout tout seul.
Les premiers jeux
Tout ceci est une bien belle histoire mais si vous suivez, vous avez remarqué que ce dont je vous parle a démarré il y a quelques temps maintenant et vous n’avez toujours rien vu.
J’ai pour ma part releasé il y a quasi un an le jeu issu de notre première Game Jam, Jump’n’Puke. Celui de la seconde Global Game Jam de l’Est est toujours dans les cartons, ♥, Drugs & Rock’n’Roll, en attente de finalisation du mode multijoueur (on avait prototypé un mode multi en passant par un composant serveur, dont on aimerait se passer pour une release). Généralement dans mon équipe, on release tous les jeux issus de Game Jams gratuitement car c’est bien plus simple pour les amateurs que nous sommes.
Je sais que MrHelmut a démarré un projet secret en début d’année, que j’ai eu la chance de pouvoir tester la semaine dernière. Vous aurez certainement plus d’infos chez lui.
Chez Noliv, il y a un projet qui vient d’être validé sur l’App Store : “Tarot, le défi”, un jeu de tarot sur iOS.
On peut penser que réaliser ce type de jeu peut manquer un peu d’ambition mais il n’en est rien. À la manière de certains designers, il s’est dit que cela pourrait être un challenge intéressant de faire un jeu de cartes qui soit joli, plaisant à utiliser, bien fini et qu’il donne même envie de jouer au tarot aux personnes qui n’aiment pas ce jeu. Loin de moi l’idée de dénigrer les autres jeux de tarot sur iOS, ils ont souvent de nombreuses fonctionnalités et une bonne IA, mais graphiquement cela reste toujours très basique.
D’autre part, cela lui a permis de découvrir tout un tas de facettes du développement de jeu comme les communications synchrones et asynchrones, l’IA, les animations, l’intégration avec Game Center, le test d’applications, etc. J’espère que cette première release commerciale rencontrera son public et lui permettra de continuer à créer des jeux originaux !
Et la suite ?
Pour ma part, je suis toujours impliqué dans l’asso COIN et on vous prépare plein de bonnes choses. On va essayer de fédérer un maximum d’indépendants du JV dans la grande région. On commence déjà par une prochaine Global Game Jam à la fin de ce mois, qui devrait être notre plus belle édition avec une nouvelle salle et un nombre toujours croissant de participants. On veut essayer de développer nos séminaires, nous permettant de faire connaître cette activité au grand public. Dans ces séminaires nous inviterons des professionnels du JV qui viendront présenter une facette de leur activité. Tout cela promet donc pas mal de bonnes choses pour 2014 dans la région !